* Si vous vous appelez Jean Hullos, autrement dit Jean le Cacheux, je suis votre
petite-fille, et celle-ci est la fille de votre arrière-petite-fille. Et la foule
cria : Miracle! car jamais on ne vit une si merveilleuse ressemblance que celle
des deux vieillards. Jean pressa sa petite-fille sur son coeur. -Tu
es donc, disait-il, l'enfant de ma pauvre Jeannette, que j'ai laissée au sein
de sa mère. Hélas! où est-elle, ma jolie petite fille ? *
Elle est morte il y a vingt ans. Elle en avait quatre-vingts. Tout le monde pleurait
en écoutant ces paroles. -D'
où vient que vous n'habitez plus Escautpont ? reprit Jean Hullos. *
Ma grand-mère m'a souvent conté qu'après que mon grand-père eut disparu, elle
avait quitté son village pour aller s'établir à Aulnoy, de l'autre côté de Valenciennes.
*
Au bûcher! cria une voix, la voix du juge. Mais les femmes avaient pris parti
pour le condamné et elles se prirent à parler toutes à la fois : *
Ce n'est mie un sorcier ! c'est Jean le Cacheux, le grand-père de Jeanneton, et
on nous tuera plutôt que de le faire mourir ! *
Ce vieux sait la place où sont enfouis les trésors, disaient les hommes de leur
côté. Et ils le délivrèrent des mains de ses gardes.
-Ecoutez-moi, braves gens, dit alors Jean Hullos, et vous ne mourrez plus de froid
durant l'hiver. Sous le mont d' Anzin gisent d'énormes tas de pierres noires qui
brûlent comme des tiges de colza. Un jour viendra où, grâce à ces pierres, les
voitures marcheront sans chevaux, les vaisseaux vogueront sans voiles et les hommes
vivront en joie et en prospérité. *
Et tu voulais, juge maudit, nous priver. de tous ces bienfaits! Au bûcher, le
juge, au bûcher, le scélérat ! Et la foule saisit le grand prévôt, le garotta,
le fit monter sur le bûcher et y mit le feu. Mais voilà que soudain le jour s'obscurcit,
une épaisse fumée descendit sur la flamme, et l'on vit le juge se transformer
en une gigan- tesque chauve-souris qui prit son vol, plana quelque temps au-dessus
de la ville, s'abattit sur le beffroi, y jeta trois cris sinistres et fila, droit
vers le mont d' Anzin. Le lendemain, une vingtaine d'hommes résolus, guidés par
Hullos, se rendirent, avec pics et pioches, au mont d' Anzin. Ils n 'y trouvèrent
ni hutte, ni trou, ni échelle; mais ils creusèrent à l'endroit que Jean leur indiqua
et découvrirent le charbon de terre, qu'ils appelèrent houille, du nom de Hullos.
Ils y creusèrent un puits et amenèrent par là au soleil les entrailles du globe.
Le diable, pour se venger, allume quelque-fois dans les mines de houille un feu
qu'on nomme le feu grisou; mais il a beau faire, les ouvriers continuent de piller
intrépidement ses provisions et d'en tirer la joie et la prospérité du monde.
Extraits
des « Contes du Roi Cambrinus » Collection « Charme des Jeunes » .
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