Ils
remplissaient leur tâche avec une adresse et une agilité incomparables, riant,
criant, gesticulant et gambadant comme une troupe de singes. -Que
faites-vous donc là, mes gars ? leur demanda Jean Hullos. *
Ah! si on le savait, dit l'un d'eux, que c'est ici qu'on lui fournit de quoi les
faire cuire ! -Qui
?.. mais,qui donc ? s'écria le Cacheux. *
Ah! si on le savait! si on le savait ! reprirent en choeur ses compagnons. -Nom
d'une pipe! on le saura, fit-il. Et il enfila une des galeries, à la suite de
quelques petits chariots. La galerie débouchait sur une vaste plaine où s'élevaient
encore d'énormes tas de pierres noires. Près de là coulait un fleuve aux eaux
jaunes et vertes, que traversaient de larges barques toutes chargées de ces pierres.
Jean grimpa sur un des tas pour voir de plus loin et, de l'autre côté du fleuve,
il aperçut, à travers un épais nuage de fumée, une immense chaudière, où il lui
parut - spectacle épouvantable! -qu'on mettait bouillir des hommes semblables
à lui. *
Il va se faire arder ! Il va se faire arder ! crièrent les nains, et ils le forcèrent
à descendre. Alors retentit un second coup de sifflet, qui se répéta de galerie
en galerie. Tous les ouvriers jetèrent leurs outils, s'assirent en rond et chargèrent
leurs pipes. Jean comprit que c'était l'heure du repos et fit tabac avec eux.
On apporta de grands brocs de bière écumante. Les noirs ouvriers en offrirent
à leur hôte. Un vrai Flamand ne refuse jamais un verre de bière, fût-il
offert par le diable en personne: Hullos accepta sans barguigner.
-A votre santé, nos maîtres ! dit-il, et il vida son verre. Il ne craignait qu'une
chose, c'est que la bière n'eût un goût de brûlé. Elle était, au contraire, fraîche
et piquante, aussi bonne que la bière d'Escautpont. Cela fit que Jean vida tant
et tant de fois son verre qu'il but trop d'un coup et s'endormit. |