Septembre
2001, une nouvelle saison est terminée. Aprés plus de deux mois
d'attente, je vous laisse découvrir ce nouveau lieu de Gohelle au sud ouest
d'Hénin. |
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Les terrils de Rouvroy constituent tout d'abord une rencontre : celle du "84"
et du "101". Le premier, avec ses schistes rouges, de forme conique,
élève dans le ciel ses fumerolles aux odeurs de soufre. Cela n'a
pas empêché une végétation chétive de recouvrir
presque entièrement sa masse inhospitalière. Le second, noir, tout
en longueur, barre l'horizon de ses parois mal stabilisées. Plus jeune,
Il est venu s'échouer sur son voisin au fil du temps. |
En
plein été sous une chaleur inhabituelle pour la région, le
sommet du "84" n'est supportable que quelques minutes. Le temps d'observer
les barres de corons qui rayent la plaine, il faut déjà penser à
redescendre, poussé par les vapeurs issus de la combustion interne. Partout
les anciennes cités jardins qui se transforment en vulgaires banlieues
deviennent aussi peu à peu synonyme de solitude. Même si les friches
paraissent désertes, bonnes ou mauvaises, les rencontres y sont souvent
marquantes. | |
Partout
dans le monde, c'est au milieu des grandes étendues désertes que
l'"autre" prend toute son importance. Le phénomène existe
aussi ici sur une "micro-échelle". Le chercheur de champignons,
le pensionné promenant sa petite fille, les gamins de la cité mais
aussi plus tard le soir : les voleurs de voiture, les trafiquants de stupéfiant... |
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C'est
alors qu'apparaît Romuald. Sans en dire mot aux parents, il traverse la
rue qui le sépare de l'endroit interdit. Avec lui, il emmène sa
petite soeur, peut être autant pour se rassurer que pour éviter d'être
découvert. Dans une tenue plus qu'inadéquate, l'ascension du "101"
se déroule tant bien que mal. Lorsqu'ils avancent de trois pas, le schiste
les fait redescendre de deux. Ici la roche écorche, là une tôle
rouillée égratigne, mais qu'importe, il faut arriver en haut. Juste
avant d'atteindre le sommet, il doit encore affronter le gaz malodorant qui s'échappe
d'une crevasse. |
Daisy n'en peut plus et ne cesse de répéter qu'il vaudrait mieux
retourner à la maison. Pour le grand frère il n'en est pas question,
surtout si près du but. |
Romuald
serre alors plus que jamais la main de sa sur, ferme les yeux, pince le
nez de l'autre main , et en un dernier effort, franchit le bord. Mais ce n'est
pas fini, m'apercevant il m'interpelle alors : "M'sieur, vous savez où
il passe le train ?". Nous nous dirigeons alors du coté où
l'on aperçoit la ligne Lens-Hénin. Une loco apparaît sous
les acclamations et puis plus loin on devine le stade de foot, là bas l'usine,
et juste à nos pieds la cité... Tout est émerveillement vu
d'ici. "Bon maintenant, on rentre " rappelle une dernière fois
Daisy. Alors, avant de redescendre, comme l'explorateur ou l'alpiniste fier de
son exploit, on finit par immortaliser l'évenement par une photo.
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Une rencontre beaucoup moins réussie est celle du terri et de la pelle
mécanique ! En se dirigeant vers l'autre bout du "101", des barbelés
interdisent l'accès. De l'autre coté : des pistes aux énormes
ornières de schlam séché. Personne en vue, la curiosité
est la plus forte et pousse à continuer plus en avant. Derrière
une dernière dune, c'est un spectacle tout à fait différent.
Un immense vide apparaît alors. |
Ici,
désormais, c'est le domaine des camions, des pelleteuses, bulldozer, et
autres engins de torture pour terri. Petit a petit le "101" s'en va,
alimenter la cokerie ou disparaître sous les routes et autoroutes que l'on
ne cesse de réclamer. Jusqu'où ira t'on dans l'exploitation, la
recherche du profit, la rentabilité. A la surprise générale,
ce qui était, il n'y a pas si lontemps que cela, le symbole de la crasse
de toute la région, a pris des allures beaucoup plus conviviales. Au milieu
des habitations, ou à l'abri des pesticides et autres pollutions sournoises
agricoles, le terri prend des allures de jardin secret, de rêve d'enfant.
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L'argument de l'emploi est aussi avancé pour justifier, de façon
douteuse, l'activité. Cette matière première n'est plus renouvelée
puisqu'on n'exploite plus le sous sol. La "chaîne des terri" disparait
donc doucement comme une peau de chagrin. Et même si dans une douzaine d'années
l'exploitation continue, n'aurons- nous à offrir au chômeur du coin
comme travail, que la démolition de son ancien terrain de jeu ? |
On
pourrait aussi terminer par ce proverbe sans fin : "Une fois que l'homme
aura pêché le dernier poisson, pollué la dernière rivière,
coupé le dernier arbre,asséché le dernier lac,....., et l'on
pourrait rajouter : exploité le dernier terri, il s'apercevra que l'argent
ne se mange pas ¤ | |
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