Le gel durcit les eaux ; le vent blêmit les nues.
A l'orient du pré, dans
le sol rêche Est là qui monte et grelotte. la bêche Lamentable et nue.
- Fais une croix sur le sol jaune Avec la longue main, Toi qui t'en vas,
par le chemin -
La chaumière d'humidité verdâtre Et ses deux tilleuls
foudroyés Et des cendres dans l'âtre Et sur le mur encor le piédestal
de plâtre, Mais la Vierge tombée à terre.
- Fais une croix vers les
chaumières Avec la longue main de paix et de lumière -
Des crapauds morts dans les ornières infinies Et des poissons dans les
roseaux Et puis un cri toujours plus pauvre et lent d'oiseau, Infiniment,
là-bas, un cri à l'agonie.
- Fais une croix avec ta main Pitoyable,
sur le chemin - | Dans
la lucarne vide de l'étable L'araignée a tissé l'étoile de poussière ; Et
la ferme sur la rivière, Par à travers ses chaumes lamentables, Comme
des bras aux mains coupées, Croise ses poutres d'outre en outre.
-
Fais une croix sur le demain, Définitive, avec ta main -
Un double
rang d'arbres et de troncs nus sont abattus, Au long des routes en déroutes,
Les villages - plus même de cloches pour y sonner Le hoquetant dies irae
Désespéré, vers l'écho vide et ses bouches cassées.
- Fais une croix
aux quatre coins des horizons.
Car c'est la fin des champs et c'est la
fin des soirs ; Le deuil au fond des cieux tourne, comme des meules, Ses
soleils noirs ; Et des larves éclosent seules Aux flancs pourris des femmes
qui sont mortes.
A l'orient du pré, dans le sol rêche, Sur le cadavre
épars des vieux labours, Domine là, et pour toujours, Plaque de fer clair,
latte de bois froid, La bêche. |