Cette première photographie a bien été prise au début du XXI° siècle pourtant, le décor nous ramène en arrière, quelques dizaines d'années auparavant. Une observation plus minutieuse concluerait quelque part dans les années 50. Coïncidence ? C'est précisément en 1957 que Mr K. a arrêté volontairement son activité dans les houillères du bassin du Nord Pas de Calais. Pourquoi ? C'est ce que nous avons essayé de savoir.... .
La cité perdue - Noël - La Marmite du Diable - Exode - La friche du 2
C'est autour d'une tasse de "jus de tolu" (café passé avec de la chicorée) réchauffé sur l'antique poêle à charbon que nous abordons les différents aspects et étapes de la carrière de l'ancien mineur : les débuts de galibot (apprenti ouvrier) en 1944 , l'apprentissage, le travail sous l'"ennemi", la nationalisation, les concentrations, les accidents, les conditions de travail, la conduite de chantiers... 13 ans de souvenirs de cette vie "souterraine" défilent tout au long de l'après midi. Néanmoins, certains passages ont retenu notre attention. Plus exactement des événements que l'on pourrait croire décisifs.
Tout d'abord il y eu le premier accident. Alors qu'il apprenait le métier avec d'autres débutants , une opération appelée "foudroyage" consistait à "cogner" le "boisage" en arrière du chantier, pour remblayer de roches l'espace laissé par le charbon extrait (une sorte d'éboulement provoqué).
Le jeune collègue, qui appréhende la chute des pierres, hésite. Le geste mal assuré il tape le montant de bois tout en restant au maximum en retrait. L'outil atteint l'objectif, néanmoins cela ne suffit à peine qu'a ébranler la structure de bois. Mr K. décide d'essayer à son tour, mais l'environnement est instable. Un bon coup de marteau réussit à déclencher la chute du "toit" (paroi supérieure).
Seulement, le mineur n'a pas le temps de se mettre à l'abri, et avant qu'il réalise ce qui vient de se produire, c'est la tête contre le sol qu'il se retrouve, la moitié du corps recouvert par l'éboulement. Plus de peur que de mal pense-t-il alors, mais au moment de se relever, les jambes refusent de bouger. L'aventure finira à l'hôpital après plusieurs semaines d'arrêt.
Ceci ne décourage pas Mr K. , au contraire, marteau piqueur en main, c'est à l'"abattage" qu'il est affecté. La paye est proportionnelle à l'avancement. Plus on abat de charbon, plus on gagne d'argent. Il se démarque vite de ses camarades qui sont impressionnés par sa rapidité dans le travail. Parfois cela créait même des tensions dans l'équipe.
Le chef suspectant alors les autres de rechigner au travail en n'avançant pas assez vite. C'est alors qu'on décide rapidement de lui faire passer une formation pour devenir "porion" (chef de chantier). Les épreuves d'examen sont couronnées de succès. Mais le nouveau travail est différent : beaucoup de responsabilités, la taille qui doit avancer, les hommes à faire travailler dans le maximum de sécurité, les heures à passer sans compter pour préparer le chantier...c'en est trop. Mr K. regrette sa fonction de haveur. Il demande à réintégrer son ancienne activité.
Seulement, même si Mr K. est robuste, la force physique demandée pour l'abattage est quand même importante. Au fil des années, inexorablement, le corps s'affaiblit. Porion, il n'aurait pas eu cet effort grandissant à fournir. Pendant ce temps, on recherche de plus en plus de personnel pour les grands chantiers de concentration (voir Terrils en Gohelle -->Estevelles).
Il faut creuser des Bowettes (galeries de circulation) pour relier les différentes fosses, sièges de concentration.
Mais Mr K. ne cède pas à la tentation contrairement à bon nombre de ses camarades. Il sait que les gros salaires versés aux bowetteurs ne les empêcheront pas de succomber rapidement à une terrible maladie : la silicose. Dans ce genre de travail on respire beaucoup plus de poussière de roche, de silice. Cette dernière ronge inévitablement les poumons. Alors, la décision est prise, il démissionne.
Aujourd'hui, 55 ans après, l'Etat reconnait que ses poumons sont atteints à 65 % de la maladie. L'hiver, le vieux mineur appréhende les coups de froid et le moindre effort qui lui est demandé pour se déplacer. 16 heures par jour il doit respirer à l'aide d'une machine fournissant de l'oxygène. D'hiver en hiver, les accidents pulmonaires se succèdent.
Décollement, hémorragie le promènent de salle d'opération en salle d'opération dans tous les hôpitaux de la région. Sur une vieille photo il nous montre un groupe de mineurs, parmi eux, certains se sont portés volontaires pour le creusement des bowettes. Comme pour trouver un privilège à son sort il termine en disant : "Tu vois ceux là ? Et bien il y a longtemps qu'il sont morts..."
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